C'est pas demain la veille

#7 – « La nature ne fait rien en vain ». Aristote

Comme toutes les deux semaines, l’Institut des Transitions de l’Université de Rouen Normandie (T.URN) vous propose une veille sur les sujets relatifs à la transition socio-écologique. Bonne lecture !

Selon une étude, l’effondrement de l’AMOC n’est plus une hypothèse improbable

L’AMOC, vous connaissez ? Cet acronyme signifie « Atlantic Meridional Overturning Circulation » qui en bon français désigne la circulation méridienne de retournement Atlantique. Parler de l’AMOC, c’est se confronter à un sujet complexe. Pour simplifier, on dira qu’il s’agit de courants marins qui participent à la circulation des masses d’eaux chaudes de l’équateur vers le nord de l’océan Atlantique (comme un « tapis roulant » et parmi les plus connus, on peut mentionner le « Gulf Stream« ). Ces courants marins sont essentiels pour le climat continental européen par exemple : ils remontent la chaleur du sud (Golfe du Mexique) vers le nord (mer de Norvège) et embarquent avec eux nutriments, carbone et oxygène, assurant à l’Europe occidentale des hivers « plus doux » que dans d’autres régions du monde pourtant sur les mêmes latitudes (le nord des États-Unis ou le Canada).

Mais alors, que se passe t-il avec l’AMOC ? 

  • des chercheurs de la Royal Netherlands Meteorological Institute et de l’Université d’Utrecht ont voulu approfondir certains modèles qui expliquaient qu’un effondrement de ces courants marins était peu probable. En élargissant la chronologie – avec des modélisations allant jusqu’en 2300 voire 2500 – ils ont obtenu des résultats plus précis sur le sujet. Notamment sur l’estimation du « point de bascule » qui entrainerait de façon irrémédiable l’arrêt de l’AMOC ;
  • 70% des modèles ayant servi à leurs expérimentations démontrent qu’un arrêt de l’AMOC serait inévitable dans le cas où nos émissions de GES ne baisseraient pas suffisamment. Dans un scénario intermédiaire (comparable au SSP2-4.5 du GIEC), 37% des modèles concluent à un effondrement de l’AMOC. Quant aux scénarios qui incluent de faibles émissions futures (comparable aux SSP1-1,9 et le SSP1-2,6), 25% des modèles concluent tout de même à un effondrement de l’AMOC ;
  • l’objectif de cette publication, pour reprendre les auteurs, est de recentrer le débat sur l’impérative nécessité de baisser les émissions de GES. Car parmi les éléments qui permettent à nos sociétés modernes de disposer d’un climat stable et des avantages qui vont avec (comme des saisons régulières rendant possible l’agriculture), l’AMOC est un acteur déterminant ;
  • le temps presse. D’après l’étude, le point de bascule pourrait être atteint dans les 10 à 20 ans à venir. Un énième appel à l’urgence dans un monde jusqu’ici relativement apathique.

Les fronts océaniques, refuges climatiques naturels de biodiversité

Restons dans l’eau. Comment les fronts océaniques jouent-ils un rôle crucial pour la vie marine ? C’est l’objet d’un dossier du CNRS dernièrement. Voilà quelques éléments que nous pouvons en retenir :

  • les fronts océaniques sont des zones de rencontre qui modifient la quantité et la composition du phytoplancton, à la base de la chaine alimentaire marine ;
  • ces zones sont essentielles pour la biodiversité et le climat : elles mettent dans des conditions favorables les diatomées, une famille de phytoplancton, qui a pour double particularité de transformer le CO2 en carbone organique et d’alimenter des espèces marines comme le zooplancton (qui lui-même alimentera des poissons) ;
  • dans un climat chahuté, l’équilibre des eaux marines l’est également avec l’augmentation de la stratification des eaux de mer (c’est à dire une moindre circulation entrainant un mélange de l’eau plus restreint). D’où l’importance des fronts océaniques qui favorisant les remontées de nutriments pourraient être de précieux refuges pour le vivant marin.

Intelligence artificielle : le vrai coût environnemental de la course à l’IA

Une révolution. C’est en ces termes qu’est souvent présentée la grande innovation nommée « Intelligence Artificielle » ou « IA » mais qui, dans le langage courant, désigne surtout les solutions d’intelligence artificielle générative. Dans un article paru il y a peu sur le site bonpote, Lou Welgryn et Théo Alves Da Costa (de DataforGood) ont livré leur analyse du véritable coût environnemental de l’IA. Un article à lire, surtout si vous souhaitez en savoir plus sur la longue histoire de ce qu’on appelle l’IA. Voilà une courte synthèse de l’article (que nous vous recommandons de lire en intégralité) :

  • triple extraction. Dès le début de l’article, le rappel est fait. Selon la chercheuse Kate Crawford, l’IA repose sur une triple extraction : extraction de ressources naturelles, extraction de données, exploitation humaine ;
  • à quoi est due l’explosion des impacts environnementaux de l’IA ? Trois raisons sont citées.
    • Premièrement, une utilisation de plus en plus conséquente par un nombre d’utilisateurs qui croit : les plateformes sont pensées pour être simples d’utilisation et les effets d’emballement économique autour de la technologie poussent entreprises et états à se ruer sur les plateformes ;
    • Deuxièmement, la complexification des modèles : afin d’affuter les résultats et de varier leur typologie (réalisation de musiques, d’images, de vidéos, etc.), les mises à jour des solutions d’IA générative augmentent les capacités de calcul de données, données stockées dans des datacentres de plus en plus nombreux et énergivores.. ;
    • .. (troisièmement) qui augmentent la demande en électricité, en eau ou toutes autres ressources permettant de faire croitre le nombre d’infrastructures. Nourrissant la technologie. Mais accentuant la pression sur les écosystèmes ;
  • la consommation électrique de l’IA. En 2024, l’Agence Internationale de l’Énergie (AIE) soulignait le fait que les centres de données représentaient environ 1.5% de la demande d’électricité mondiale (nous pouvons imputer 10% de cette consommation directement à l’IA générative. Apparue en 2022 seulement (!!!)). D’ici 2030, l’AIE prévoit que cette demande dépasse les 3%. Pour les États-Unis, on estime – d’ici 2030 – que la moitié de l’électricité consommée par les datacentres sera directement liée à l’usage de l’IA.
  • Ce sujet fait déjà poindre des conflits concernant les usages de l’électricité et surtout de leur priorisation. Comme le rappelle régulièrement la NERC (North American Electric Reliability Corporation), le développement effréné des datacentres augmente le risque de délestages et de pénuries d’électricité dans un monde où les centrales électriques sont soumises à des conditions environnementales qui se durcissent (sécheresses réduisant la quantité d’eau, incendies détruisant les réseaux de distribution).

Fonds de transition juste : un outil clé pour accompagner la transition des emplois

Comment faciliter la transition des compétences et des emplois vers des secteurs plus vertueux pour l’environnement ? Plusieurs dispositifs existent à ce sujet, dont le « fonds de transition juste ». Issu d’une directive européenne, il fait partie des éléments amenés par le Pacte vert européen et propose différents aménagements concourant à la décarbonation de l’économie. Voici comment :

  • en identifiant les secteurs vulnérables. C’est un fait : décarboner l’économie française nécessitera de diminuer certaines typologies d’activités (celles qui ont un rapport avec les énergies fossiles par exemple). En ce sens, l’une des premières missions de ce fonds est de permettre l’accompagnement des salariés qui seront les premiers exposés par le virage à 180 degrés de l’économie française dans les années à venir. Car de nombreux secteurs d’activités risquent de se transformer très rapidement : de l’automobile, en passant par la métallurgie, ou encore les raffineries ;
  • en accompagnant les zones touchées/qui seront touchées par cette transformation. Doté d’un budget de plus de 17 milliards d’euros à l’échelle européenne, le fonds de transition juste « vise à soutenir les régions touchées par de graves difficultés socio-économiques résultant de la transition vers la neutralité climatique ». Pour la France 1 milliard d’euros est prévu, à répartir entre 6 régions identifiées comme étant « à risque » ou « concernées » : « le territoire Nord Pas-De-Calais », « Normandie – Axe Seine et Bresle », « territoire Grand Est », « territoire Pacte de Cordemais », « territoire Rhône-Isère » et enfin le « territoire Bouches-du-Rhône » ;
  • si l’on résume, les actions du fonds de transition juste sont principalement de deux ordres :
    • soutenir la résilience sociale et économique des territoires, en insufflant notamment de nouvelles dynamiques de développement ;
    • favoriser l’accompagnement des reconversions des salariés et activités en transformation prioritaire.

Inondations : l’IGN établit la première carte des risques en France

Comment repenser les espaces et mieux appréhender les « solutions naturelles » en cas d’aléas climatiques ? C’est en partant de cette interrogation que l’IGN (l’institut national de l’information géographique et forestière) a fini par déboucher sur la réalisation d’une cartographie du risque « inondations » pour la France. Voici ce qu’il faut en retenir, en quelques points

  • 1 français sur 4. C’est le ratio constaté par les équipes de l’IGN en termes de population exposée au risque inondation. Un chiffre déjà élevé qui évoluera à la hausse face aux effets du changement climatique ;
  • Compilation. L’aboutissement de ce travail est exemplaire dans le sens où il consiste en une accumulation de documents, études cartographiques, photos satellites passés. Tout cela a permis aux équipes de se baser sur des éléments fiables et historiques visant à mieux cerner le risque d’inondations, d’éclairer la gestion des cours d’eau ;
  • un nouvel outil 3D inédit. Cette cartographie est donc matérialisée par une visualisation 3D de l’ensemble du territoire. Basée sur les éléments cités ci-dessus, elle permettra de « prévoir les écoulements, les inondations, et donc aménager le territoire en conséquence » ;
  • L’anticipation des risques, une étape malheureusement indispensable. Le réchauffement climatique est signe de plus d’humidité dans l’air et donc potentiellement de plus d’épisodes de pluies intenses. Au niveau du territoire national, les épisodes de pluies extrêmes ont augmenté de 12% par rapport à 1960. Et les modèles climatiques actuels prévoient une augmentation de 10 à 15% supplémentaires d’ici à 2050.

SAVE THE DATE : La Semaine des Transitions

A l’occasion de la semaine européenne du développement durable, l’Institut T.URN organisera la semaine des transitions de l’Université de Rouen Normandie (URN) du mardi 30 septembre au vendredi 3 octobre 2025. Les transitions environnementale et sociétale sont un marqueur fort de l’identité de l’URN, confirmé notamment par l’obtention du label DD&RS (CIRSES), c’est pourquoi ces 4 journées d’échange et de réflexion viendront clôturer l’évènement de rentrée « Bienvenue à l’Université ».
La vocation de cet évènement est d’être un point de rencontres et d’échanges sur tous les sujets relatifs à la transition socio-écologique, c’est pourquoi nous l’avons ouvert à un public large : étudiants, agents mais aussi partenaires et acteurs du territoire. Parmi les objectifs de cette semaine, il conviendra évidemment d’évoquer et définir le sujet de la transition socio-écologique ; nous parlerons aussi de la façon dont les enjeux de développement durable influencent les missions et activités de l’établissement ; différents ateliers de sensibilisation et de vulgarisation seront au programme afin de faire émerger de nouvelles initiatives sur les thématiques traitées durant ces trois journées.
Les formats proposés seront divers à l’image de notre public : ateliers d’intelligence collective, conférences, tables rondes, etc. Nous aurons par ailleurs la chance de compter parmi nos intervenants des chercheurs reconnus, des acteurs de terrain, des élus locaux mais également certains agents de l’établissement qui viendront éclairer le public sur leurs missions du quotidien.
Le programme est disponible à l’adresse suivante : https://turn.univ-rouen.fr/la-semaine-des-transitions/

Conférence du 14 octobre : TELED x Olivier Hamant

Habiter le monde fluctuant : robustesse ou performance ? 

Le mardi 14 octobre 2025, l’Université et la CCI de Rouen vous proposent une soirée spéciale dédiée à différents concepts : « robustesse », « fluctuation », « contraintes ». Comment anticiper l’instabilité généralisée dans un monde qui s’est progressivement habitué à la stabilité (qui a modelé nos infrastructures modernes) ?

Voilà le genre de grandes questions qui seront à l’ordre du jour à l’occasion du cycle de conférences animé par le chercheur Olivier Hamant (chercheur biologiste à l’INRAE) et deux représentants de la méthode TELED (pour tâches énergivores lorsque l’énergie est disponible) que sont Arnaud Crétot (NéoLoco) et Loic Perochon (La Belle Tech).

Si vous souhaitez être présent, cet évènement se tiendra sur le campus Pasteur de l’Université de 18h à 20h30. Inscription ici

Bienvenue à l’Université : découvrez les services de l’Université.. parmi lesquels l’Institut T.URN !

De la fin du mois d’août jusqu’au début du mois d’octobre, le dispositif « Bienvenue à l’Université » permet aux nouveaux étudiants (et pas que) de découvrir le fonctionnement de l’Université : ses campus, les associations que l’on peut y trouver, ses services…

Et justement. Du 22 au 30 septembre, l’Institut T.URN animera avec les autres services de l’établissement la « caravane des services ». Le concept : visiter tous les campus de l’Université de Rouen (un différent chaque jour de la semaine), tenir un stand en proposant des activités ludiques présentant les missions de l’Institut TURN et donner l’envie aux étudiants de s’engager dans la transition socio-écologique au quotidien.

Voici notre programme :

  • Campus Pasteur : Lundi 22 septembre – 12h-14h
  • Campus Elbeuf : Mardi 23 septembre – 11h30-13h30
  • Campus Évreux : Mercredi 24 septembre – 12h-14h
  • Campus Sciences et Ingénierie : Jeudi 25 septembre – 12h-14h
  • Campus Santé : Vendredi 26 septembre – 12h-14h
  • Campus Mont-Saint-Aignan : Mardi 30 septembre – 10h-14h

Recommandation de la semaine

Greenletter Club

Dans le Greenletter Club, la parole est donnée à des personnalités et experts pour décortiquer les grands sujets écologiques. Des capitaines d’industrie aux patrons d’ONG, en passant par les spécialistes du pétrole, pendant une heure environ, un voyage au cœur des sujets complexes est proposé aux auditeurs. Le but : décrypter les enjeux de notre siècle, les opportunités comme les menaces. 

Encore un podcast que nous vous recommandons ! Bonne écoute !

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